Texte de M. Christian Paire, directeur général, Centre hospitalier de l’Université de Montréal
(Publication :Des milieux à humaniser : Introduire l’art et la culture en milieu de soins et de services sociaux)
C’est l’absence de l’art
qui est inquiétante
Nous sommes, en tant qu’humains, des êtres profondément
culturels. Les murs de nos maisons, les rayons de nos
bibliothèques en témoignent : où que nous soyons, l’art
est présent. C’est un besoin « naturel », oserait-on dire,
tant l’art et la culture font partie de notre identité, tant
ils sont ce qui fait de nous, essentiellement, des humains.
Les milieux de soins et de services sociaux n’échappent pas
à la règle. La maladie rendrait-elle l’être humain moins
culturel ? Cette culture qui le nourrit, cet art qu’il vit au
quotidien, devraient-ils cesser de jouer dans nos établissements
le rôle qu’ils remplissent partout ailleurs ? Qu’y a-t-il
d’exceptionnel ou d’incongru à vouloir assurer aux patients
un peu d’humanité, de beauté − avec un peu d’espace et
de temps pour l’apprécier et pour vivre autre chose que sa
maladie ? Pourquoi priverait-on le patient − et le personnel
qui l’entoure − de ces moments d’art et de culture,
puisqu’ils bénéficient à tous en créant des liens privilégiés,
en offrant un moment de complicité qui transcende la
relation professionnelle ? C’est l’inverse qui devrait nous
surprendre. C’est l’absence d’art ou d’activités culturelles
en milieu de soins et de services sociaux, absence d’une
composante de notre humanité, qui devrait nous alerter.
L’art et la culture n’ont pas à être cantonnés dans des lieux
qui leur sont spécifiquement dédiés : théâtres, salles de
concert ou musées. Cette affirmation n’enlève rien aux
lieux traditionnels de culture et ne signifie nullement que
l’État doit cesser de les appuyer. C’est simplement affirmer
que l’art et la culture ne seront le terreau ou le ferment
qu’ils doivent être dans notre société que s’ils trouvent à
s’exprimer dans tous les lieux et dans tous les milieux de
vie, sur les places publiques comme dans les écoles, entre
les murs d’une prison comme dans les couloirs d’un hôpital
ou d’un CHSLD (Centre hospitalier de soins de longue durée).
Dédramatiser le lieu, humaniser les soins, s’ouvrir sur la cité
Cette présence de l’art et de la culture en milieu de soins et de services sociaux, comment la rendre possible
et la favoriser ?
Les milieux de soins − et c’est particulièrement vrai du milieu hospitalier − sont des lieux dont
l’atmosphère est souvent chargée, connotée par l’appréhension de la souffrance et parfois même de la
mort. Ouvrir l’hôpital aux arts et à la culture, c’est donc d’abord dédramatiser ce lieu. C’est apporter
chaleur, réconfort, lumière dans un lieu dont on comprend qu’il puisse d’emblée sembler froid et inquiétant
aux patients et aux visiteurs.
Faire place à l’art, c’est donc permettre à l’esthétique et à l’émotion d’apporter une autre teinte − moins
sombre, plus lumineuse − à l’atmosphère du lieu, d’atteindre et de toucher non seulement les usagers ou
les résidents, mais aussi les visiteurs et les membres du personnel.

(Publication: circles to humanize: introduce art and culture in the environment of care and social services)
The absence of art is disturbing
We are, as humans, deeply cultural. The walls of our houses, the shelves of our libraries testify to this: wherever we are, art is present. It is a « natural » need, would we dare to say, as art and culture are part of our identity. They are what makes us, essentially, humans.
Care and social services are no exception to the rule. Would the disease make human beings less cultural? This culture that nourishes him, this art he saw daily, should it stop in our establishments and not fulfill the role it plays everywhere else? What is there exceptional or incongruous to want to assure patients a little humanity, beauty – with a little space and time to appreciate it and to live something other than its disease ?
Why would we deprive the patient-and the staff who surrounds him of these moments of art and culture, since they benefit everyone by creating privileged links, by offering a moment of complicity which transcends the professional relationship? The opposite should surprise us. It is the lack of art or cultural activities in the midst of care and social services, absence of a component of our humanity, which should alert us.
Art and culture do not have to be confined to places which are specifically dedicated to them: theaters, rooms of concert or museums. This statement does not detract from traditional places of culture and does not mean that the state must stop supporting them. It’s just saying that art and culture will not be the soil or the ferment that they must be in our society and be found in all places and in all backgrounds of life, in public places as in schools, between the walls of a prison as in the corridors of a hospital or a long -term care hospital center.
Make room for art, humanize care, open up to the city This presence of art and culture in the environment of care and social services, how to make it possible and promote it?
Care environments – and this is particularly true in the hospital environment – are places of which the atmosphere is often loaded, connoted by the apprehension of suffering and sometimes even of death. Open the hospital to the arts and culture is to bring heat, comfort, light in a place which we understand that it can seem cold and worrying to patients and visitors.
To make room for art is therefore to allow aesthetics and emotion to bring another shade – less dark, brighter – in the atmosphere of the place, to reach and touch not only users or residents, but also visitors and staff members.